La vallée de l’étrange (uncanny valley): ce malaise que créent les avatars (presque) humains
- Christele Simeoni
- il y a 21 heures
- 4 min de lecture
Avatars IA et vallée de l’étrange : jusqu’où aller dans le réalisme ?
Éthique, responsabilité, consommation de data sont des éléments importants dans la balance.
Les avatars IA sont en train de se faire une place comme de véritables collègues numériques. On les retrouve dans la formation, le service client, l’accompagnement au changement… Et dans cette dynamique, beaucoup veulent les rendre toujours plus humains : voix réaliste, visage expressif, comportement naturel.
Mais attention, vouloir trop bien imiter l’humain peut se retourner contre nous. On appelle ça la vallée de l’étrange (uncanny valley) : un phénomène bien connu qui soulève autant de problèmes psychologiques, techniques que éthiques.
Le moindre décalage brise l’illusion. Et dans les usages quotidiens (formation, accompagnement, support), cela gêne plus que ça ne séduit.
Un visage réaliste, une voix naturelle, des expressions précises… Tout cela semble rendre l’avatar plus crédible.
Mais en fait il existe une limite à ne pas franchir : ça s’appelle “ la vallée de l’étrange, ou uncanny valley”. Et franchir cette limite peut avoir l’effet inverse de celui recherché : au lieu de créer de l’engagement, l’avatar provoque un malaise.

La vallée de l’étrange, c’est quoi exactement ?
C’est un concept issu de la robotique et des sciences cognitives. Il désigne le moment où un personnage artificiel : robot, avatar ou humanoïde, devient presque humain… mais pas tout à fait.
Résultat : notre cerveau perçoit une forme de dissonance. L’apparence est trop réaliste sans être parfaitement naturelle, et cela crée une gêne, voire un rejet. On trouve cela bizarre, inquiétant, un peu comme une marionnette qui aurait l’air vivante, mais pas assez.
Trop humain pour être fictif , pas assez humain pour être crédible
➡️ Résultat : on décroche
Coté éthique : ne pas manipuler, ne pas tromper
Quand un avatar est trop réaliste, on peut oublier qu’il est piloté par une IA. Cela soulève des questions importantes :
🔸 Transparence : est-ce que l’utilisateur comprend qu’il ne parle pas à un humain ? 🔸 Consentement : est-il d’accord pour que ses émotions soient analysées par une entité artificielle ? 🔸 Manipulation : un avatar ultra-réaliste peut influencer subtilement, capter la confiance à tort.
Un design assumé, stylisé, identifiable comme non-humain protège l’utilisateur et respecte son autonomie.
Créer des IA incarnées responsables, c’est aussi rappeler qu’elles ne sont pas humaines, qu’elles n’ont ni conscience, ni émotions, ni vécu.
Ce que disent les études
De nombreuses recherches en psychologie, neurosciences et UX design confirment que les avatars trop réalistes peuvent nuire à l’expérience utilisateur :
Moins de confiance : un avatar « quasi humain » inspire moins confiance qu’un avatar stylisé ou cartoon.
Moins d’engagement : les utilisateurs interagissent moins longtemps ou moins naturellement avec un personnage qui les met mal à l’aise.
Moins d’efficacité pédagogique : dans le cas d’un avatar formateur, l’attention est détournée par l’apparence étrange, ce qui nuit à la mémorisation et à l’apprentissage.
En bref : plus réaliste ne veut pas dire plus efficace!
Quid des avatars stylisés alors?!
Un avatar stylisé, simplifié ou cartoon est plus facilement accepté car il n’essaye pas de tromper le cerveau. Il est clairement artificiel, mais il reste expressif, chaleureux et engageant.
🎯 Il facilite l’identification 🤝 Il renforce la sympathie 🧠 Il laisse plus de place à l’imaginaire ✅ Il crée un cadre sécurisé pour l’interaction
C’est exactement pour cela que les plus grandes entreprises du jeu vidéo, de l’animation et idem pour la formation immersive, choisissent des styles visuels assumés, loin du mimétisme humain.
L’impact passe par l’émotion, pas l’illusion!
Quand on crée un avatar IA, ce qui compte ce n’est pas qu’il trompe l’œil. Ce qui compte, c’est qu’il crée une relation, qu’il soit perçu comme un allié fiable, capable d’interagir de manière naturelle et chaleureuse.
Chez VRAI Learning, on fait le choix de l’IA incarnée mais pas "trop humaine", avec des avatars expressifs, identifiables, les dotant d'émotions et surtout engageants. Parce que notre objectif n’est pas de duper, mais de créer une vraie connexion.
Cela dit, on sait aussi adapter le style en fonction des usages : réalisme ou non, ce qui compte, c’est que l’interaction reste naturelle, fluide et engageante et en adéquation avec les objectifs de nos clients.
Côté impact environnemental, le choix du style visuel n’est pas neutre.
Un avatar "photoréaliste" , avec ses textures complexes, animations fines et rendus lourds, consomme bien plus de ressources informatiques qu’un avatar stylisé. Cela signifie plus d’énergie, plus de calculs, et donc une empreinte carbone plus élevée.
À l’inverse, un avatar au design simple et assumé (type cartoon ou animation) est plus léger à charger, à afficher, et tourne facilement sur des équipements standards.
C’est aussi un choix plus sobre, plus inclusif et plus écologique, aligné avec une démarche responsable et accessible, même si on sait que l'IA n'est pas écolo non plus, soyons honnête mais si on peut faire les meilleurs choix...
*SOURCES
Scoping review of the neural evidence on the uncanny valley – comparatif entre agents humains et artificiels, activation réduite dans la fusiform face area et différences ERP
Neural mechanisms for accepting/rejecting artificial social partners – fMRI montrant une « vallée » d’activité dans le cortex préfrontal ventromédian
Investigating the Uncanny Valley Phenomenon (IEEE paper) – EEG enregistrant l’expérience inconfortable avec des avatars réalistes
Interactive Realistic Digital Avatars – Revisiting the Uncanny Valley – importance de l’interaction pour dépasser l’effet “malaise”
Scoping review of the neural evidence on the uncanny valley — Meta-analyse des activations cérébrales face à des visages artificiels.
Investigating the Uncanny Valley Phenomenon in Virtual Reality — Étude EEG sur avatars réalistes dans un contexte immersif.
Why Brains Get Creeped Out by Androids – Explication vulgarisée basée sur des données neuroscientifiques.
The Uncanny Valley Is Real, and Science Can Prove It - Étude de terrain sur la perception du réalisme.